Les Merveilles
Classée Monument Historique par l’Etat en 1989 et administrée par le Parc National du Mercantour sur le territoire duquel elle se trouve aujourd’hui, la Vallée des Merveilles est désormais protégée contre les dégradations intentionnelles par une réglementation très stricte qui n’en autorise l’accès que sous certaines conditions.
Hors des sentiers de communication qui permettent de traverser la zone réglementée, le visiteur ne peut se déplacer qu'accompagné par un guide agréé par le Parc National du Mercantour.
INTRODUCTION
C'est une histoire qui remonte comme on dit à la nuit des temps. Et le randonneur assis au Pas de l'Arpette, à la Baisse de Valmasque ou au sommet du Mont Bégo est bien souvent loin de soupçonner les formidables bouleversements qui se sont produits ici et qui ont façonnè les paysages que l'on peut admirer aujourd'hui.
Nous voici propulsés quelque 260 millions d'années en arrière. Destination ? Un paysage composé de steppes désertiques, de grands lacs et de volcans qui crachent leurs cendres. Une cendre qui se mélange ici aux eaux boueuses des lacs, pleines de sable et de limon. La main divine du créateur posant là quelques touches de couleur rouge, violette ou verte que, plus tard, l'alchimie subtile des eaux de ruissellement ferrugineuses et oxygénées finiront de colorier en ocre. Une période qui durera 45 millions d'années où se formèrent les roches dites de la série des Merveilles et en particulier les très belles pélites. Nous sommes là à la fin de l'ère primaire. Une époque que les géologues appellent le Permien.
Si les contours de la région sont alors vaguement dessinés, une longue histoire reste encore à parcourir avant d'arriver à nos paysages actuels. Il y a environ 40 millions d'années un bouleversement gigantesque va se mettre en place ; c'est la surrection des Alpes et l'apparition des hauts sommets du Mercantour, Argentera, Gélas... Toutefois un nouvel élément va venir modeler le relief et ainsi parachever l'oeuvre de la nature pour préparer aux hommes du bronze de grands tableaux d'ardoise sur lesquels ils
pourront nous écrire. Il y a 20. 000 ans, une calotte glaciaire recouvre l'europe. Les glaciers alpins et pyrénéens sont très développés. La Vallée des Merveilles, le Mont Bégo, le Grand Capelet, sont sous les glaces. Seuls quelques mètres du Grand Capelet sortent de cet océan glaciaire. Les glaciers, par leurs puissants effets de rabotage, vont polir et strier les schistes, roche sédimentaire à grain fin de la vallée, et laisser ici après leurs disparitions un témoignage exceptionnel de cette incroyable époque, un véritable " musée des formes cryonivales ". Ainsi lentement, au fil des millénaires, s'est mis en place un paysage particulier et sans doute unique.
Mais quel est l'homme qui pour la première fois admira ces paysages ? Impossible de le dire, cependant il semble vraisemblable que des bergers ou des chasseurs habitant les vallées alentour, membres d'une de ces peuplades ligures, occupant les proches reliefs au dessus de Nice et les hautes vallées montagnardes, soient venues ici et aient été saisies par l'ambiance si particulière du site de montagne. Une ambiance que chacun peut essayer d'imaginer, de sentir. Il suffirait (ce qui n'est pas recommandé) de partir seul, par une belle matinée de printemps ou d'été, de monter toujours seul vers les gravures rupestres du sorcier ou du bras en zigzag et puis lentement, sans se soucier ou sans pouvoir en définir les signes prémonitoires, voir gonfler à la mi-journée les cumulus d'orage et vivre en ces lieux le déchaînement des orages, pour en imaginer l'impact sur l'esprit des hommes qui osérent les premiers s'aventurer dans ces hautes terres inhospitalières.
Quelles étaient ces forces venues du ciel ? Qui, d'un coup de foudre, pouvait éclater les roches, tuer par dizaine les moutons, rouler comme fétus de paille d'énormes blocs au milieu des torrents soudainement gonflés d'une eau ravageuse et destructrice, sinon des
forces divines, véritable manifestation des Dieux. Ainsi la forme particulière des paysages et une météo très capricieuse, contribuèrent peut-être à faire de ce site de montagne un lieu habité par les divinités. Alors est-ce les oratelli, les vésubiani, les vediantii, les ecdinii, et autres nemeturii... peuplades ligures dont les noms gravés sur le fronton du Trophée des Alpes à La Turbie ressuscitent l'habitat et l'ethnographie, au début de notre ère, de ceux qui furent les premiers à laisser trace de leurs passages ? Impossible de le dire.
C'est peut-être au chalcolithique que les premiers graveurs s'agenouillèrent devant les dalles des Merveilles. Mais c'est à l'époque, qu'il est convenu d'appeler du bronze (2000 -1600 ans avant notre ère), qu'auraient été gravées la plupart d'entres elles. Ainsi ce lieu isolé de haute montagne prit une caractéristique particulière, attirant depuis des temps immémoriaux des pèlerins ou visiteurs qui pour certains laissèrent là, gravée sur la pierre, la trace de leurs passages. Des signes cornus de la protohistoire, aux roches gravées portant le nom des divers bergers qui, au début du siècle, vinrent faire paître leurs troupeaux et immitèrent les gestes de leurs ancêtres, que d'histoires le visiteur peut ici découvrir. Fantastique livre d'histoire à ciel ouvert dont les pages de pierre, encadrées de pics, portent les espoirs, les doutes, les craintes des hommes.
Mais la région des Merveilles ne se résume pas aux gravures rupestres et la randonnée est le moyen idéal pour découvrir cette nature secrète.
Si aujourd'hui l'homme, grâce à la technique, peut accéder partout, quoi de plus agréable que le rythme lent de la marche qui au gré de l'humeur et des circonstances permet à l'âme et l'esprit de s'abreuver à la source d'une nature vierge et généreuse, dont l'atmosphère si particulière est la plus belle récompense pour le
randonneur qui y pénètre. Les Merveilles ne sont pas seulement un " musée " et le visiteur dans ce lieu de silence saura donner leur pleine signification à ces roches gravées, à ces vallons sauvages, ces parois vertigineuses, à ce mystère dont on aura peut-être pressenti qu'il était tissé par l'effort des hommes à essayer, dans la nature dont ils sont intimement dépendants, de donner un sens à la vie.
Ecrire, prendre la parole, c'est souvent estimer que l'on sait des choses, mais celà peut aussi être la volonté de porter témoignage, d'apporter une pierre à l'édifice, d'avouer sa passion, son amour de cette nature qui est non seulement un refuge mais tout simplement l'habitat de l'homme.
Ceci n'est donc pas un inconscient dessein de magnifier un coin de montagne préservé, mais une volonté avouée d'appartenance à un lieu, une région. C'est une invitation à l'ami, au voisin, à venir découvrir l'authentique de ce pays, loin du folklore désuet et des affiches un peu trop criardes si souvent présentées. Découvrir, apprendre, aimer, communiquer, longue chaîne immense, filet tissé maille aprés maille au fil de la passion et qui retient dans ses rets quelques instants volés au temps. Ainsi les photos tentent de recréer l'ambiance de cet endroit si particulier. Elles sont sans aucun fard, sans aucun artifice, seulement des preuves indiscutables fixées sur la pellicule de moments "privilégiés passés au coeur de ces montagnes. Plaisirs aussi : plaisir d'arrêter le temps pour engranger des souvenirs, plaisir de saisir la lumière et des espaces de vie, plaisir de communiquer, de rencontrer l'autre, et aussi simplement comme l'écrivait Van Gogh : " Moi je déclare ne pas en savoir quoi que ce soit, mais toujours la vue des étoiles me fait rêver ". En effet, ici la part du rêve est loin d'être négligeable, pas une heure,
pas une journée ne ressemble à une autre. Les couleurs varient selon l'éclairage, les formes des montagnes plus présentes, plus palpables le matin puis comme irréelles à midi, et peu de temps après, les premières brumes ou nuages viennent voiler et draper pics et sommets. Le randonneur évolue alors entouré de formes fantomatiques.
Les saisons bien évidemment façonnent les paysages. Signes palpables, le printemps, l'été, l'automne, l'hiver, habillent à leur façon la nature et égrènent le temps qui passe. Pour l'homme chaque journée est différente et accueille de nouvelles fleurs, de nouvelles couleurs ou de nouvelles ambiances. Ainsi l'imaginaire, aiguillon indispensable de la vie peut-il trouver en ces lieux une véritable source.
LA VALLEE DES MERVEILLES
AU COEUR D'UN SECTEUR PARTICULIèREMENT RICHE DU MERCANTOUR
Géographiquement la vallée des Merveilles se situe au pied du Mont Bégo. Elle débute très exactement à la baisse de Valmasque et descend en pente peu raide en direction des lacs Longs et du refuge des Merveilles. Sur la rive gauche et droite du torrent se trouvent de nombreuses gravures rupestres de la vallée des Merveilles. Le nom de " Merveilles " est relativement récent puisqu'il date des années d'après guerre et est issu d'une déformation des cartographes français. En effet, avant 1947 nous étions en territoire italien et, pris dans son sens d'origine, " valle delle meraviglie " signifiait plutôt la vallée des mystéres, des prodiges. Cette fameuse vallée est dominée par deux sommets importants, à sa droite le grand Capelet et à sa gauche le Bégo, centre géographique et magnétique de toute la région. D'ailleurs c'est peut-être au sommet du Bégo que, pour les hommes du bronze, siégaient les Dieux.
Ainsi pour certains spécialistes de la toponymie, la racine celtique " Bèg " signifie le dominateur, le Dieu, le sommet catalyseur des forces célestes avec les forces terrestres. Mais pour les randonneurs c'est généralement en bas de la vallée, au lac des Mesches, que débute la découverte de la vallée des Merveilles. Bien souvent sans qu'ils ne se doutent qu'une partie du Mystère des Merveilles
commence peut-être là, dans le verrou glaciaire, en amont du lac qui commande l'accès de la vallée. Il est vrai que les anciens bâtiments, vestiges de l'exploitation de la mine de plomb argentifère de Vallauria, ne prêtent pas spécialement à la rêverie. Pourtant c'est là qu'en 1905, à l'entrée d'une galerie, un ouvrier fit une découverte archéologique de première importance : une statuette de bronze de 8,8 cm de haut, baptisée le guerrier du Mont Bégo et qui aurait été coulée environ 1200 ans avant notre ère. Enigmatique statuette, estimée par certains comme une offrande déposée ici pour attirer sur le lieu la bénédiction des Dieux. Pratique, il est vrai, assez répandue à cette époque et observée en d'autres lieux par les archéologues.
Ainsi le chemin que nous empruntons aujourd'hui est sans doute le même que celui des hommes du bronze, et tout en baladant, le randonneur peut méditer sur les millénaires d'histoire que ce lieu de nature isolée abrite. Le refuge des Merveilles, construit à l'époque par le club alpin italien, est idéalement situé face à la Vallée des Merveilles, dominée par le Mont Bégo, le Mont des Merveilles et le Grand Capelet qui porte bien son nom puisque son sommet pointu fait penser à un cap.
En effet il est le dernier sommet le plus élevé en pointe Sud-Est du massif du Mercantour, face à la mer. Au-dessus du refuge des Merveilles se trouvent plusieurs lacs dont le lac Fourca et le lac de la Muta que découvrent les randonneurs empruntant le GR52 ; celui-ci se dirige vers l'Authion et plus précisément la Pointe des Trois communes, autre accès à la Vallée des Merveilles qui offre un magnifique parcours, souvent en
crête, sans grand dénivelé, puisque l'on part d'un point haut. Authion signifie d'ailleurs " haut, élevé ". Au Pas du Diable, le GR passe juste sous de la cime du même nom. Le secteur porte d'ailleurs bien son nom et prend toute sa signification par temps d'orage, instant tout à fait exceptionnel qu'il est toutefois fortement conseillé d'éviter. En tous les cas, un lieu chargé de légendes.
L'une d'entres elles raconte " que les habitants alentour étaient terrorisés par le diable qui, paraît-il, séjournait en ce lieu. Aussi, un jour, prenant leur courage à deux mains et le curé par le bras, ils décidèrent de partir à l'assaut de cet endroit sinistre, afin d'en chasser le diable et toute son armée de diablotins. La caravane se mit en marche, tremblante de peur, suivant le curé armé de son goupillon. Arrivé au bord d'un lac aux eaux profondes tout le monde attendit dans un silence inquiétant quand, tout à coup, un bloc de rocher se détacha, tomba dans l'eau, et du remous sortit, sous les yeux des villageois terrifiés, le diable. Le curé agita vivement son goupillon et ordonna : " vade rétro, satanas ". Le diable et ses diablotins reculèrent puis se consultèrent et répondirent : " d'accord, nous partirons de ces lieux, mais nous allons nous installer dans vos villages et toutes vos femmes auront le diable au corps ". Les choses tournaient mal, il fallait réagir vite et tenir conseil. En fin de compte on proposa au diable de ne pas descendre dans les villages, en échange de quoi lui seraient cédés ses territoires. "
Comme on peut s'en apercevoir, tout ce secteur des Merveilles n'est pas anodin et il se dégage une atmosphère pour le moins mystérieuse. A l'Ouest du refuge des Merveilles, entre la cime des lacs et la cime des Merveilles, s'ouvre un petit vallon parcouru par un sentier, il conduit au Pas de l'Arpette. C'est l'accès idéal à la vallée des Merveilles pour le randonneur qui vient de la Gordolasque. Le Pas de l'Arpette,
se trouvant à une altitude de 2511m, permet au visiteur qui l'atteint, en partant du pont du Countet, d'avoir une vue générale et de pouvoir d'un coup d'oeil circulaire appréhender l'ensemble du secteur. C'est le passage parfait pour se rendre dans la zone dite de l'Arpette. Si l'on remonte la Vallée des Merveilles on arrive à la Baisse de Valmasque.
Les mots " baisse " ou " pas " signifient ici " col ". Nous sommes donc là au point le plus bas sur la crête entre le Grand Capelet et le Bégo. Face à nous s'ouvre la vallée de Valmasque qui abrite trois beaux lacs, le lac du Basto, le lac Noir et le lac Vert au bord duquel est construit le refuge de Valmasque. De la Baisse de Valmasque, en remontant l'arête, et en se dirigeant vers l'Ouest, on atteint la Baisse du lac Autier. Tout en grimpant, le randonneur aperçoit au loin un sommet pointu caractéristique, la Malédie, autrement dit la cime maudite, un des plus hauts sommets du Mercantour et de la cime frontiére. Mais pour aujourd'hui celle-ci est assez lointaine et nous pouvons continuer notre randonnée l'esprit tranquille, dans cette vallée des sorcières : en effet, " val " signifie vallée et " masque " sorcière. Enfin, et presque comme une note discordante dans ce concert de noms pleins de maléfices, l'accueillante Baisse de Fontanalbe et sa vallée.
Accueillante d'abord par son nom qui veut dire fontaine, eau jaillissante, accueillante aussi parce que plus verte, plus large et plus " riante ". Comme on peut donc s'en rendre compte, rien dans ce secteur des Merveilles n'est anodin, les paysages sont très variés, très contrastés et rien ici ne peut lasser le visiteur qui ne peut qu'aller de découverte en découverte, tant des paysages que de la faune et de la flore ; nous allons d'ailleurs vous faire partager ces splendeurs en effectuant maintenant une étonnante randonnée. SUITE ICI - Gordolasque-Merveilles
Au coeur du Parc national du Mercantour, aux pieds des hauts sommets du Grand Capelet et du Mont Bego, le site de montagne des Merveilles se situe à 70 kms de Nice, par la vallée de la Vésubie et à 90 kms de Nice, par la vallée de la Roya.
Les deux sites de montagnes principaux des Merveilles sont Fontanalba et La Vallée des Merveilles. Ils sont au programme des visites proposées par Les Guides des Merveilles et se trouvent situés de part et d'autre du Mont Bego.